Le présent ouvrage, conçu et réalisé à l’initiative du Conseil de l’Ordre des médecins de Polynésie française, répond à deux principales problématiques.
La première est de présenter pour la première fois le droit médical applicable en Polynésie française. En effet, en tant que collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution, le pays jouit d’un statut particulier au sein de la République, tenant compte de son particularisme. D’abord, du fait de la « spécialité législative », la plupart des textes métropolitains intéressant le droit médical ne sont pas localement applicables. Par ailleurs, l’autonomie dont jouit la Polynésie française au sein de la République lui consacre des compétences propres – dont celle de la santé publique – laquelle confère à cette collectivité la capacité d’établir ses propres règles en la matière, par délibérations et « lois de pays ». Cette autonomie et cette « spécialité législative » sont à l’origine d’un droit spécifique.
La seconde problématique concerne la définition de la politique de santé publique en Polynésie française : il s’agit de s’intéresser, non plus seulement à ce qu’est ce droit, mais à ce qu’il doit et peut être. L’une des grandes questions que celui-ci doit appréhender réside dans le conflit entre certaines pratiques traditionnelles et culturelles insulaires (les tahu’a rāa’u et la « médecine chinoise ») avec la conception plus récente et occidentale de l’exercice légal de la médecine dévolu à un docteur. Outre les spécificités culturelles, le droit médical doit aussi tenir compte des particularités géographiques du pays. La Polynésie française compte 270 000 habitants sur 118 îles dispersées dans un espace aux dimensions de l’Europe. Dans ce contexte, tout invite à l’humilité et au réalisme, que ce soit l’immensité de son territoire, l’isolement d’une grande partie de la population, le manque de personnel médical, la modestie des ressources, les déficits en matière de sécurité sociale, l’accroissement et le vieillissement de la population. Il va de soi qu’il ne peut y avoir un médecin dans chaque île. De fait, un infirmier ou un adjoint de soins se trouve souvent en situation de pallier l’absence de médecin, et donc de pratiquer des actes médicaux. Mais comment le droit local appréhende-t-il ces pratiques ? Une autre réflexion afférente à ce que doit ou peut être notre politique de santé publique concerne nos relations avec nos voisins de la région. Ne devrait-on pas renforcer nos liens avec la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, afin notamment de solliciter davantage le concours de leurs personnels médicaux ?
Le vœu que ces pistes soient explorées se réalise aujourd’hui avec l’édition de ce livre. Nous en sommes obligés et infiniment reconnaissants à Antoine Leca, ainsi qu’à tous ceux et celles qui y ont contribué.
Dr Richard Wong Fat
Président du Conseil de l’Ordre des médecins
de la Polynésie française